Je vous ai parlé du contenu des cours, mais pas de la façon dont ils sont enseignés par les profs. Ce qu'il faut déjà savoir, c'est que Paris III est réputé pour sa licence de Cinéma parce que nombre de ses professeurs (et ses anciens professeurs) sont LES spécialistes de la théorie du Cinéma : la plupart du temps, les ouvrages qu'on nous recommande en cours ont été écrits par des professeurs de Paris III. Même si l'on n'a pas forcément ces grands noms comme professeurs chaque année, j'ai trouvé les professeurs que j'ai eus très compétents et très intéressants dans l'ensemble, à quelques exceptions près (ça va du prof arrivant systématiquement avec 15 mn de retard, son café à la main, et qui n'a jamais traité son programme, à celui qui endort tout un amphi de 200 élèves à 8h du matin).
Certains professeurs m'ont laissée assez indifférente (ils ne m'ont pas passionnée sans pour autant m'ennuyer), mais peu de profs m'ont vraiment semblés mauvais. A vrai dire, sur les deux semestres de cours, je compte un seul prof vraiment mauvais, pour ne pas dire minable (le prof qui n'a jamais fait un seul vrai cours du semestre, mais faisait passer deux élèves en exposé pendant 2h, sans jamais corriger les exposés ensuite...). Bref, globalement, j'aime les profs de cinéma !
Concernant les cours eux-mêmes, j'ai beaucoup apprécié les rares cours qui demandaient une réelle participation des élèves. Je citerai par exemple mon atelier d'écriture scénaristique du premier semestre : à chaque cours, un élève se présentait devant la classe avec quelques pages de scénario sur un thème choisi la semaine précédente par la prof, et le reste de la classe devait donner son avis sur le scénario en question. Exercice assez difficile au début, mais vraiment constructif une fois que chacun accepte le principe de la critique ! Il y a aussi eu ce cours sur les stratégies de production des films, où le prof faisait régulièrement des sondages sur les derniers films que nous avions vus, notre avis sur tel film ou tel réalisateur, et où les 4 derniers cours ont constitué en un « workshop » où nous représentions par groupe de 4/5 une maison de production finançant un long métrage ! Tout ça pour dire que les cours de cinéma permettent, bien plus que ceux de lettres par exemple, de s'entraîner à parler devant un groupe sans lire bêtement une feuille pendant 15 mn, et de s'affirmer, tout simplement.
Pour finir, je voudrais parler de l'ambiance en licence de Cinéma, et donc des élèves en général. Sur ce point, licence de LM et licence de Ciné se distinguent encore radicalement : j'ai parlé avec 10 fois plus d'élèves en Cinéma qu'en Lettres, et je ne pense pas pouvoir justifier ça par le fait que j'ai plus de cours de Cinéma que de Lettres...
Pour commencer, les élèves ont des profils bien plus variés qu'en Lettres, où tous les élèves ont l'air de sortir de L1, de vivre chez papa-maman et de ne rien connaître d'autre que le lycée : en Ciné, beaucoup d'élèves ont plus que l'âge attendu pour des élèves de L2, parce qu'ils ont fait des choses avant. Certains ont suivi une formation technique en Cinéma, d'autres viennent de prépa, d'autres se sont réorientés, d'autres sont en reprise d'études, et il y a même des Normaliens qui viennent d'obtenir l'agreg de... physique. Cette variété est clairement une richesse : lors des cours où l'on demande une participation des élèves, on voit cette variété de profils, donc d'expériences. Mon atelier d'écriture scénaristique en était un bon exemple. Cette variété des élèves est une des raisons qui me poussent à aller plus facilement vers les étudiants en Cinéma.
Le fait que la moyenne d'âge soit peut-être un peu plus élevée que la normale en cinéma (j'ai l'impression d'être, à 20 ans, une des plus jeunes de ma promo) fait qu'on est loin d'une ambiance lycée comme en licence de Lettres. Les élèves paraissent un peu plus 'glandeurs', moins (faussement...) studieux qu'en Lettres, où un partiel implique forcément 15 élèves dans un couloir apprenant pour la 10ème fois par coeur les 30 dates du cours d'histoire de la langue française... C'est peut-être aussi parce qu'on nous demande moins de par coeur (à nuancer selon les cours, bien sûr) que les élèves peuvent se permettent d'être moins scolaires : on ne peut pas se pointer au partiel sans avoir assisté à un seul cours, mais on peut le réussir en se détachant du cours, en montrant une approche personnelle du sujet.
Ce que j'aime en Cinéma, c'est qu'il y a des glandeurs, mais pas que des glandeurs stupides. Plutôt des glandeurs artistes, ceux qui ont un bouquin de Blaise Cendrars dans la poche arrière du jeans et qui réussiront mieux un partiel sur Godard que sur l'économie de la télévision. A côté de ça, il y a aussi ceux qui ont un profil d'élèves de prépa (bons partout, intéressés par la philo même s'ils étudient le cinéma, etc.) mais qui sont allés en Cinéma par vocation, et qui surpassent assez facilement les élèves de prépa débarqués à la fac après un an d'HK. Il n'y a pas vraiment de cliché de l'élève de Cinéma. Il y a de tout.
Ce qui m'amène à l'ambiance. Là encore ma préférence entre mes deux licences va largement au Cinéma, sans pour autant que l'ambiance en LM soit mauvaise. J'aime bien cette ambiance de glandouille générale, qui pousse les élèves à déserter le cm d'économie à 8h du matin mais à remplir de plus en plus au cours du semestre les bancs d'un cours passionnant du vendredi à 18h. J'aime bien le fait que le prof qui fait des sondages sur les derniers films qu'on a vus et qui se moque sans méchanceté des fans du cinéma français à la Godard, nous laisse le charier gentiment sur ses chaussettes Mickey après avoir crâné à propos des dix ans qu'il a passé aux « Staaaates ». J'aime bien le fou-rire partagé avec la prof d'écriture scénaristique à la lecture d'un scénario très drôle écrit par deux élèves. J'aime bien le sentiment de désespoir collectif qu'on ressent à la vingt-et-unième minute de la quatrième vidéo expérimentale que la prof d'Art Vidéo nous inflige parce qu'elle sait bien qu'on ne peut pas aimer ça. J'aime bien que les profs de Cinéma (peut-être en raison de leur relatif jeune âge pour certains ?) arrivent à nous considérer et nous traiter comme des adultes.
Bref, la licence de Cinéma, même à 3h45 du matin, j'aime ça ! :D
(Je passe sur la secrétaire de l'UFR à la fois désagréable et incompétente, sur les partiels de 2h dont on apprend l'existence une semaine plus tôt et sur les autres galères administratives communes à toute la fac ou presque...)